Le sabre et l'âme du samouraï
ne faisaient qu'un. Rarement l'un était-il séparé de l'autre et si la pratique
orientale veut qu'un objet, un arbre, une statue ou un rocher soit chargé
de vie et qu'on lui voue un culte, il va sans dire que cela est encore plus
vrai lorsqu'il s'agit d'un sabre, omniprésent dans la mythologie et dans l'histoire
du Japon. Tous les éléments constitutifs du sabre (voir ci-contre) étaient
confiés à de véritables artistes conscients de collaborer à la réalisation
d'un chef-d'oeuvre qui fait partie, avec les 3 emblèmes de la dignité impériale,
avec le tama et le miroir.
Suite
Les
Métiers
2)
FABRICATION TRADITIONNELLE
Le Katana est
peut-être l'objet le plus complexe issu de la civilisation japonaise classique,
à ce titre, sa fabrication fait appel à de multiples techniques maîtrisées
par quatre artisans hautement qualifiés qui se succèdent dans sa fabrication.
Par ordre de statut social et qualification technique, ce sont:
1)
Le Forgeron
"Prêtre ou magicien",
il maîtrise les arts de la forge, de la soudure et de la trempe. Il appartient
souvent à une école technique parfois très ancienne et est aidé d'un ou deux
assistants qui sont en même temps ses élèves.
Les différents types de sabres et leurs
composantes (Société Franco-Japonaise)
2)
Le Polisseur
D'un niveau de
prestige à peine inférieur au forgeron, il lui revient de façonner la lame
et surtout d'en révéler le décor généré par sa structure cristalline. Il travaille
en solitaire.
3)
Le Forgeron de garde
Rustique à
l'époque des premières gardes (tsuba),
son métier est devenu "artistique", vers le XVIIe siècle au fur et à mesure
de l'évolution des gardes tant par leurs formes que par leur décor.
4)
Le Monteur
Constituant
le dernier échelon dans la fabrication d'un katana,
il peut travailler seul ou sous-traiter certaines pièces, notamment les pièces
métalliques. A l'inverse des 3 catégories précédentes, sa dimension mystique
se situe largement en retrait de sa dimension commerciale. Il agit sur commande
de son client, remonte les lames anciennes au gré des modes, et montant celles
de nouvelles fabrications qui lui sont livrées dans un fourreau de stockage
en bois brut.
Les
Matières Premières
Le katana
fait appel à une quinzaine de matériaux de base (sans compter tous ceux dont
le rôle est intermédiaire) ce sont essentiellement:
1)
L'Acier
Dans le Japon
médiéval, on utilisait du "fer des marais", la "limonite", réduit dans des
bas fourneaux. Par la suite, le pays importa de l'acier de Chine
puis d'Europe (via les marchands portugais et hollandais à partir du XVIIe
siècle). Un complément était apporté par les rares mines locales. D'une façon
générale l'acier constituant le noyau renferme 0,5 % de carbone et celui de
la partie extérieure en contient de 0,7 % à 0,9 %. Actuellement, les forgerons
japonais se servent d'acier de coutellerie.
2)
Le Bois
Caché dans le
"produit fini", sa beauté naturelle n'a donc pas d'importance: on utilise
ainsi du magnolia, un bois blanc particulièrement recherché grâce à ses qualités
d'isolant contre l'humidité.
Kuniyoshi : Tammeijiro Genshoko tuant Orin
3)
La Laque
Produite par
extraction de résine végétale, son usage est aussi vieux que le Japon
lui-même, elle sert aussi d'isolant hygrométrique.
4)
Le Galuchat
Il s'agit d'une
peau de raie savamment tannée, son aspect granuleux est des plus esthétiques
surtout appliqué sur les poignées, sa texture "agrippe" bien la main.
5)
La Soie
La soie est essentiellement
utilisée dans le laçage de la poignée, son tressage croisé renforce l'action
du galuchat pour éviter que la main ne glisse. Cet aspect est important car
l'escrime japonaise fait usage de grands coups circulaires, en conséquence,
la force centrifuge tend à expulser le katana
des mains de son possesseur. La soie est aussi utilisée - concurremment au
coton pour tresser le cordon qui relie le fourreau à la ceinture.
6)
Les Métaux Cuivreux
Les japonais
font un grand usage de cuivre pur qui se cisèle et se forge facilement même
si sa fonte est des plus délicates. Un métal assez répandu est le "Mokume",
constitué de plaquettes de cuivre et d'argent soudées entre elles, il est
travaillé de manière à faire apparaître les multiples strates à la façon d'un
contre-plaqué. On l'utilise parfois pour fabriquer les gardes.
7)
L'Or et l'Argent
Ces métaux, assez
rares dans le Japon classique, ont été utilisés avec parcimonie sous forme
d'incrustations et de damasquinures.