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Dossier Japon n°2
Le Bain, Acte social

     Que ce soit surtout dans Ranma 1/2 (voire Nicky Larson, Juliette, je t'aime !, Patlabor , etc...), le bain public est omniprésent. Pourquoi alors , l'état d'esprit relatif à ces ablutions apparemment anodines, transparaît-il jusque dans les DA ? Serait-ce moins simple qu'il n'y parait ? Voyons cela.

     Autrefois tout le monde se baignait ensemble, et la paroi de séparation est une concession faite à l'Occident puritain à l'époque où le Japon désirait si fort lui plaire. Elle est superflue. Le japonais n'est pas troublé par le nu au bain; il en a trop l'habitude, et si, exceptionnellement, il est troublé, eh bien ! où est le mal ? Sur ce point, il est plus naturel que nous. Il a dû rester longtemps perplexe devant notre société qui mettait des caleçons longs et faisait tant d'histoires pour entrer dans l'eau… puis garnissait ses jardins publics d'opulentes femmes nues représentant le Commerce ou l'Industrie.

(c) Japon / Mondes & Voyages Larousse
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     La pratique du bain remonte aux origines du Japon. Elle s'inscrit dans un rituel de purification cher aux japonais et que le shintoïsme a développé. Elle correspond au goût de ce peuple pour la vie communautaire et les plaisirs simples. Ainsi, dans les villes, le sento (                  : "l'eau chaude payante"), ou bain public, n'est pas seulement un établissement pour se laver. Chaque soir aux alentours des sento, le bruit des geta résonne dans les ruelles obscures. Etudiants ou salariés en tenue de sport, petites vieilles en yukata convergent vers le sento avec une cuvette et une serviette sous le bras. Après s'être délestés de leurs vêtements à l'entrée, les clients, complètement nus, vont d'abord s'asseoir sur un petit tabouret face à une rangée de robinets. Ils commencent par se laver en s'aspergeant vigoureusement. Souvent les plus jeunes aident les plus âgés à se frotter (c'est ce qu'on appelle là-bas le respect dû aux anciens, qui devrait reprendre un peu cours de par chez nous). Ce n'est qu'une fois parfaitement lavés et rincés qu'ils vont se baigner dans le bassin où l'eau dépasse les 40°C. La serviette posée sur la tête, ils restent donc de longues minutes à papoter, à méditer, en jetant un regard distrait sur la fresque plaquée au mur.

La nudité est ici de mise, mais ne choque pas.
(c) Ranma 1/2 / Rumiko Takahashi
Scènes de vie:

     Une autre façon de montrer patte blanche au Japon est d'être très soigneux de sa personne, étant donné que beaucoup de familles dorment sur la natte, quatre dans une seule chambre, littéralement les pieds sur le cou du voisin. Dans la maison d'à-côté, pareillement, et aussi dans celle d'en face. Mais cette promiscuité n'a pas d'odeur. Car au Japon, la propreté ne coûte presque rien. Un Japonais peut à la rigueur commettre quelques escroqueries, traverser bien des vicissitudes et compter encore sur de l'indulgence, mais s'il ne va pas au bain tous les soirs, il est un homme perdu. Encore plus l'Etranger qui, depuis les Portuguais et les Hollandais des premiers bateaux, a la réputation d'être un fameux malpropre qu'on suit sans peine à l'odeur. Le plaisir que les Japonais prennent aux ablutions des toutes sortes tient d'ailleurs autant du rite que de l'hygiène.

Scène d'anthologie: Ranma 1/2.
(c) Géo spécial Japon

     Au Matsuri du quartier (une fête propitiatoire), la plus attendue de l'année où les hommes, d'ordinaire si sobres, se soûlent et se promènent en titubant dans les rues étroites une lourde chasse qui balaie maladies et démons - c'est encore de nettoyer qu'il s'agit. Même jovialité au Sento, où le quartier se retrouve chaque soir. Côté "homme", la pièce est tendue de miroirs dans lesquelles la jeunesse locale considère et compare complaisamment ses biceps. On paie 300 ¥ (15 FF-2.29 euros) d'entrée, reçoie un panier pour déposer ses vêtements puis, accroupi devant les robinets en rampes qui font le tour de la pièce d'eau, on se savonne et on se rince avant d'aller rejoindre dans la piscine bouillante (48 à 52°C) des voisins soudain expansifs et bavards. Nulle part vous ne trouverez les Japonais si accessibles; certains députés profitent même de ce "relâchement" et vont prendre jusqu'à dix bains par jour avant le scrutin juste pour endoctriner des électeurs béats et désarmés, dans l'eau jusqu'au menton. Au Sento d'Araki-chö , l'heure de pointe suit la sortie du cinéma local. Les jeunes arrivent en bandes : casseurs, éblouis ou nostalgiques, selon le film qu'ils viennent de voir, occupent le bassin et "font des vagues". Vers minuit la place reste au paisibles, aux vrais amateurs qui marinent, les yeux fermés, ou s'amusent avec les jouets-cygnes en plastiques, sous-marins miniatures - oubliés par les gosses. L'élite du quartier : le postier et l'agent de police qui terminent leur journée tard, le poissonnier qui doit descendre chaque matin à quatre heures chercher son poisson à la criée du grand marché de Tsukiji et préfère dormir l'après-midi; et Kamishibai, le montreur d'images, qui préfère les baignades discrètes parce que, ayant passé sa guerre sur un atoll où l'on ne voyait rien venir, il s'était fait tatouer sur tout le corps, par bêtise et par ennui, en même temps que toute sa section, des slogans militaristes qui sont passés de mode et qui font rire de lui. Le côté "femmes" n'est séparé de l'autre que par une demi-cloison ajourée par dessus laquelle on échange en famille quolibets, savonnettes et gants de crin.

Petit Rappel:
Un empilement de baquets où tout le monde se sert. Très convivial !
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Le Bain, un plaisir simple: